Le contenu de la loi

Le texte de la loi est ici. On a essayé d’en faire un résumé un peu lisible. Pour l’instant, il ne parle que des modifications qui concernent les squats, et moins des mesures sur les impayés de loyers, parce que c’est des procédures qu’on connaît pas trop. À chaque fois qu’on y fait référence, on met entre [crochets] un lien vers les textes de loi dont on parle.

La loi Kasbarian, pour résumer globalement, c’est, pour les squats, des nouveautés qu’on peut répartir en trois catégories :

  • des modifications pénales, qui créent par exemple un délit de squat ;
  • la modification de la procédure de 38 DALO, qui permet d’expulser sans procès les bâtiments à usage d’habitation ;
  • et des modifications sur la procédure civile, qui durcissent les conditions pour pouvoir avoir des délais supplémentaires.

Le volet pénal

Sur le volet pénal de la loi, il y a quatres trucs qui changent. D’abord, les peines qui punissent la violation de domicile sont augmentées : ce délit est maintenant puni de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende. Ensuite, la loi crée trois nouvelles infractions :

  • Celle de « maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois ». Traduction : si le lieu squatté est un local à usage d’habitation (ou si c’est une procédure pour impayés de loyers), et que tu restes dans le bât alors que tu es expulsable, c’est illégal, et c’est puni de 7500 € d’amende. Vu que ce n’est pas passible d’une peine de prison, tu ne peux pas être mis.e en garde-à-vue pour ça. Il y a aussi quelques exceptions : si le JEX (juge de l’exécution) est saisi, c’est pas interdit de se maintenir. Et si le local en question appartient à un bailleur social, ou à un truc public (commune, crous, …), c’est pas non plus interdit de se maintenir dans le local alors que tu es expulsable. [1]
  • La loi crée une autre nouvelle infraction : « La propagande ou la publicité, quel qu’en soit le mode, en faveur de méthodes visant à faciliter ou à inciter à la commission des délits » de violation de domicile ou du nouveau délit d’occupation et maintien (c’est le point juste après). C’est puni de 3750 € d’amende (trql faut juste utiliser Tails et Tor). [2]
  • La loi crée un nouveau délit, celui d’introduction et de maintien « dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ». Cet article a depuis septembre servi de base pour expulser plusieurs squats et mettre plusieurs personnes en garde-à-vue, gardes-à-vue pour certaines suivies de convocations pour des procès. [3]

Quelques précisions sur l’article 315-1

L’article antisquat le plus efficace de ces 20 dernières années !!

Quelques détails et quelques réflexions sur l’article 315-1 du code pénal, qui est créé par la loi Kasbarian, et qui a permis l’expulsion aux Lilas. L’article de loi, ça dit : « L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »

Bon, alors, qu’est-ce que ça veut dire?

Ce qui est répréhensible, c’est d’ouvrir un bat en faisant des voies de fait, mais c’est aussi d’être dans un local qui a été ouvert avec des voies de fait, même si on ne t’accuse pas d’avoir fait des voies de fait.

  • « local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel » : cette liste regroupe probablement à peu près tous les locaux : une école, c’est un bâtiment professionnel selon le cadastre, un centre médical, c’est un bâtiment professionnel selon le cadastre (pour info, la liste des bâtiments professionnels est disponible ici, https://www.impots.gouv.fr/sites/default/files/formulaires/6660-rev/2021/6660-rev_3555.pdf, page 3-4). Reste que les églises qui ne rentrent peut-être pas dans ces catégories visiblement.
  • Les « voies de fait » : la voie de fait c’est pas non plus quelque chose qui est légalement défini clairement. Dans les affaires de squat, la définition se base sur les jurisprudences et varie selon les départements : dans certains, l’occupation sans droit ni titre est considérée directement comme une voie de fait, dans d’autres, le propriétaire droit apporter des éléments concrets montrant qu’il y a eu voie de fait : serrure cassée par terre, fenêtre cassée… Probablement, pour ce délit, la jurisprudence va s’harmoniser au niveau national.

Maintenant, le problème, c’est que pour mettre en garde-à-vue des gens, et pour procéder à une perquisition qui se transforme en expulsion, pas besoin de « prouver » la voie de fait, il suffit que les keufs soupçonnent l’existence d’une voie de fait même si après le proc décide de classer sans suite tellement leur dossier est claqué, même si en procès t’auras une relaxe.

Est-ce que ça veut dire qu’on peut se faire tej de notre squat à n’importe quel moment? Logiquement, à moins que les condés soient très vicieux, ils vont ouvrir au moment de leur premier passage au squat, lors de la visibilisation, une enquête de flagrance (une des trois catégories d’enquête). Cette enquête ne peut durer plus de 8 jours. Ça veut dire que la perquisition-expulsion peut avoir lieu dans ces 8 jours. Au-delà, l’enquête peut être tout simplement fermée ou transformée en enquête préliminaire. Mais, dans les enquêtes préliminaires, la perquisition ne peut avoir lieu sans l’accord de la personne perquisitionnée que dans certains cas (condition nécessaire : le délit doit être puni de plus de trois an d’emprisonnement), et notamment pas dans le cas de l’introduction par voie de fait et du maintien dans un local. Du coup, au-delà des 8 jours suivant la visibilisation, le risque de perquisition-expulsion est quand même considérablement réduit. Précisions : les keufs peuvent pas ouvrir 2 enquêtes pour les mêmes faits, c’est pour ça qu’au bout de 8 jours, c’est bon normalement.

Sur les changements du 38 DALO.

Avant la loi. Jusqu’au passage de la loi Kasbarian, l’article 38 DALO permettait d’expulser sans passer par un procès devant lea juge de proximité les squats de domiciles, que ce soient des résidences principales ou secondaires. Lorsque le bâtiment occupé est considéré comme le domicile de son propriétaire, les occupant.es ont un délai de 24h minimum (parfois 48h) pour quitter les lieux à partir de la notification de la décision. Les recours possibles contre le 38 DALO ne sont alors pas suspensifs, et sont donc souvent jugés après l’expulsion. Le 38 DALO ne peut en théorie qu’avoir lieu lorsque l’introduction et le maintien dans le local a lieu « à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte »

La nouvelle loi Kasbarian-Bergé vient “assouplir” les conditions d’application de l’article 38 de la loi DALO. Dorénavant cette procédure peut s’appliquer à tout « local à usage d’habitation », qu’il soit meublé ou non, “partout où la personne est chez elle, qu’elle y habite ou non (exception : ce qui est inhabitable comme un hangar)”. Mais si elle élargit le champ d’application du 38 DALO, elle modifie certaines règles lorsque le squat n’est pas considéré comme le domicile du propriétaire : les occupant.es disposent dans ce cas de 7 jours pour quitter les lieux, et le recours contre le 38 DALO devant le tribunal administratif est suspensif (l’expulsion ne peut pas avoir lieu légalement entre le moment où le recours est déposé et le moment où il est jugé). [4]

Sur les changements dans la procédure civile.

Bon là ça devient technique :

  • Avant la loi Kasbarian, les délais de grâce pouvaient apparemment être accordés à des squats malgré que la justice ait jugé qu’il y avait « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». On n’est pas sûr.es que ça ait été le cas un jour mais en tout cas, depuis la loi Kasbarian, c’est clairement marqué que c’est plus possible d’accorder des délais de grâce à un squat quand la justice considère qu’il y a eu voie de fait. La durée maximale des délais de grâce est par ailleurs réduite de 3 ans maximum à un an maximum. [5]
  • La trêve hivernale ne pouvait pas être accordée avant la loi Kasbarian, lorsque lea juge considérait qu’il y avait eu voie de fait, maintenant, la trêve hivernale ne peut être accordée quand lea juge considère qu’il y a eu « manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ». [6]
  • Le délai de deux mois accordé lorsque le bât occupé est le logement de ses occupant.es, peut maintenant être refusé par lea juge si iel « constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ». [7]