Que faire si tu te prends un 38 DALO ?

C’est quoi le 38 DALO ? Le 38 DALO est une disposition qui permet d’expulser un squat sans procédure juridique auprès du juge des contentieux et de la protection (la voie habituelle). Celle-ci peut avoir lieu sous deux conditions : que le squat en question soit dans un « local d’habitation » et que les occupant-es se soient introduites « à l’aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte ». C’est une procédure demandée par le-la propriétaire et décidée par la préfecture, qui, si elle estime que les conditions sont réunies, met en demeure les occupant-es de quitter les lieux par un papier affiché sur le squat. Cette mise en demeure est assortie d’un délais de 24h minimum avant l’expulsion. À ce stade, il y a deux cas différents.

Squat d’un domicile

  • Concerne les bâtiments qui sont la résidence principale de quelqu’un, ou certains biens meublés
  • 24h minimum de délais avant l’expulsion
  • Les recours ne sont pas suspensifs

Squat d’un local d’habitation

  • Concerne les locaux d’habitation qui ne sont pas des domiciles
  • 7 jours minimum de délais avant l’expulsion
  • Les recours devant le tribunal administratif sont suspensifs – c’est pratique pour gagner du temps

Squat d’un domicile – arrêté d’expulsion sous 24h ou 48h

Si la préfecture considère que le bâtiment squatté est le domicile de quelqu’un (ça peut être par exemple lorsque le local est meublé, lorsque le-la proprio y a vécu mais n’y vit plus parcequ’iel est parti-e en maison de retraite, chaque préfecture va de toute façon l’entendre un peu comme elle veut), celle-ci peut ordonner l’expulsion sous 24h (parfois, dans sa grande mansuétude, elle va même t’accorder 48h). Tu peux toujours faire un recours au tribunal administratif contre la décision, mais le fait de déposer un recours ne la suspend pas : tu risques de te faire expulser avant la décision du tribunal administratif. On a pas d’exemples de recours devant le tribunal d’arrêtés de 38 DALO concernant des domiciles.

Squat d’un local d’habitation qui n’est pas un domicile – arrêté d’expulsion sous 7 jours

Dans le cas où le bâtiment est un local à usage d’habitation mais n’est le domicile de personne, la préfecture est obligée de te laisser un délais de 7 jours entre la mise en demeure et l’expulsion. Dans ce cas là, si tu déposes un recours au tribunal administratif, celui-ci est suspensif : les keufs ne peuvent théoriquement pas t’expulser avant l’audience, ni avant le rendu du tribunal administratif. Ce recours est un recours qui concerne la légalité de la décision de la préfecture. Y’a donc plusieurs arguments qui sont utilisables :

  • l’absence de voie de fait, menaces, manoeuvre, contrainte : la préfecture n’a le droit d’expulser avec le 38 DALO que si les occupantes se sont introduites dans le bâtiment à l’aide de menaces, manoeuvre, voie de fait, contrainte. Et il faut que la préfecture justifie l’existence d’une menace, d’une manoeuvre, d’une voie de fait ou d’une contrainte. Elle n’a théoriquement pas le droit de dire : « ah bah si ce sont des occupantes sans droit ni titre c’est bien qu’iels sont rentrés par voie de fait ou manoeuvre ». Malheureusement les préfectures sont rarement en manque d’imagination pour trouver des voies de fait, manoeuvres… Ça vaut toujours le coup d’essayer de les démonter !
  • l’absence d’ « usage » du bâtiment : le terme « usage d’habitation » n’a pas de définition claire. Des jurisprudences ont déjà montré qu’un bâtiment d’habitation voué à la destruction ne peut pas être considéré comme un bâtiment à usage d’habitation.
  • l’absence de considération de la « situation personnelle des occupantes » : la préfecture doit mettre en demeure les occupant.es seulement après avoir pris « considération de la situation personnelle et familiale de l’occupant », ça veut dire qu’elle est censée ajuster le délai avant expulsion en fonction de la situation de l’occupant-e. Les préfectures le font rarement, c’est un bon argument à jouer.

Précisions juridiques (on est pas des juristes, on partage ici les réponses aux questions qu’on s’est posé.es, on pense que ça peut être utile de les partager) : le recours possible contre le 38 DALO est un recours en annulation devant le tribunal administratif. Ce recours doit être accompagné d’une demande de suspension de la décision concernée. Le tribunal administratif doit alors faire une audience de référé suspension (ce qu’il fait dans un délais court), pour décider de suspendre ou non le 38 DALO jusqu’à l’audience du recours en annulation (qui arrive elle souvent bien plus tard, 1 an plus tard en Île-de-France par exemple). Gagner le recours en annulation est donc le plus important si on veut garder sa maison. L’article 38 DALO précise bien que « l’introduction d’une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative [c’est-à-dire l’introduction d’une demande de suspension devant le tribunal administratif] suspend l’exécution de la décision ». La décision du 38 DALO doit donc être suspendue jusqu’à l’audience de référé suspension. Pour qu’une suspension soit « accordée par le tribunal administratif, il faut en théorie que « l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision » (article 521-1 code de la justice administrative). Pour justifier de l’urgence, il est possible de souligner que la décision va expulser des personnes de leur lieu de vie, et porte une atteinte grave et immédiate à leur situation personnelle. Pour les doutes relatifs à la légalité du 38 DALO, il est possible d’argumenter avec les 3 points ci-dessus. Le conseil constitutionnel a expliqué, dans une décision de mars 2023, qu’il était nécessaire pour le préfet de prendre en considération la situation personnelle de l’occupant.e avant de lea mettre en demeure. De plus, dans son avis sur la loi Kasbarian, il expliquait aussi qu’il était possible pour le préfet de ne pas engager la mise en demeure au vu de la situation de l’occupant.e.